Le Sacre

La première pièce – interprétée par cinq jeunes danseurs – développe un hommage à William Forsythe. En reprenant sa manière bien particulière d’installer les groupes dans l’espace, d’entrer et de sortir de façon naturelle et non narrative, de travailler les déhanchements et d’autres mouvements fluides et dégingandés,  j’ai pensé qu’il serait très intéressant et motivant pour des adolescentes d’approcher cette écriture magistrale et envolée.
Nous inscrivons notre style chorégraphique métissé à l’intérieur de cette structure et tentons par la même de réaliser une oeuvre typique de « l’énergie Grenade ».

La seconde pièce est dansée par les deux plus jeunes interprètes de ce groupe : Thomas et Clémence.  Ils sont tous deux rapides, intelligents dans leurs mouvements, créatifs et plein d’humour.  En réécoutant « Les tableaux d’une exposition » de Mussorgsky, j’ai pensé que ces deux énergies vivaces pouvaient se confronter : elle en danseuse classique, lui en boxeur. Comment la belle et la gentille brute peuvent-ils trouver un terrain d’entente ? L’humour domine cette pièce et donne une fenêtre d’air frais avant la profondeur et la violence du Sacre.

La troisième pièce : Le Sacre est interprété par 15 danseurs du Groupe Grenade
En travaillant avec les enfants qui ont dansé « Barbe Bleue », j’ai remarqué que les  jeunes filles de 12 à 14 ans développaient peu à peu une présence étrange mêlée d’assurance et de sauvagerie.
L’extrême fragilité de leur corps en pleine mutation procurait une sensation « d’entre-deux », pouvant soudainement varier d’une innocence totale à une maturité crânement revendiquée. C’est la période de la « pré-adolescence ».
C’est sans doute l’étape de la vie qui m‘intéresse le plus : rien n’est figé, tout bouge, tout est possible, la sensibilité est fluctuante voire extrême, les réactions sont souvent à fleur de peau et oubliées  l’instant d’après.
Cet état à vif et « excitatoire » me paraît être un parti pris intéressant pour aborder le « Sacre du Printemps ». Cette défiance est peut-être osée, mais elle me tente d’autant plus que le livret original parle « d’adolescentes » au sujet des élues.  L’ horreur du sacrifice est ainsi accentué du fait de l’extrême jeunesse de l’élue désignée.

Ces jeunes danseurs sont techniquement avancés, déterminés et sûrs d’eux, leurs propositions chorégraphiques sont très souvent intéressantes.
L’atmosphère générale est donc un mélange (d)étonnant de maturité, de fraîcheur et de fragilités.
Nous pensons qu’en entremêlant toutes ces caractéristiques, un regard nouveau peut être porté sur cette œuvre et lui donner une force toute particulière.